Résoudre l’enjeu crucial de la démographie médicale

Les chiffres sont connus depuis longtemps, et le dernier Atlas du Conseil national de l’ordre des médecins vient confirmer ce triste constat : les déserts médicaux sont appelés à grandir et se multiplier.

A l’avenir, les médecins généralistes (libéraux et salariés) seront de moins en moins nombreux. Pour plusieurs raisons. Beaucoup exercent encore alors qu’ils pourraient être à la retraite et peuvent donc quitter leur cabinet, de nombreux autres approchent de l’âge de la retraite. La féminisation de la profession médicale et les évolutions des attentes des jeunes médecins femmes et hommes ont de réels effets. Ceux-ci veulent à bon droit concilier vie privée et vie professionnelle. En conséquence, ils travaillent moins d’heures par semaine et exercent mois souvent en libéral et en ville, préférant le statut salarié et en hôpital. En effet, avoir un cabinet suppose des compétences gestionnaires et des surcharges de travail importantes et très contraignantes. Enfin, un quart des diplômés en médecine n’exercent jamais de profession médicale au cours de leur vie : ils travaillent dans les laboratoires pharmaceutiques, dans les institutions régulatrices de la santé (comme les agences régionales de la santé), ou au sein de la médecine du travail par exemple. Or le numerus clausus reste le même.

Dans le Val-de-Marne, les chiffres sont donc alarmants. Un quart des médecins généralistes libéraux ont plus de 60 ans, et l’ARS programme le départ de 42% des médecins franciliens (tous statuts confondus) dans les 10 ans à venir. Si peu de communes val-de-marnaises sont pointées comme territoires déficitaires (seulement Orly, Chevilly-Larue, Alfortville), moins de professionnels de santé signifie une moindre couverture sanitaire sur le Val-de-Marne, soit des inégalités d’accès et potentiellement un recours encore plus fréquent aux urgences.

Que peut faire le département face à cette situation ? La délégation Santé que j’exerce est une compétence volontariste1 du département. Elle permet au Conseil départemental d’organiser la Conférence de territoire de santé2 (voir la définition ici et là), prévue par la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé et Territoires)3 (voir ici et là). La prochaine se déroulera le 24 septembre et portera sur la démographie médicale. Ce sera l’occasion pour le Département et tous les acteurs de santé du territoire de porter un diagnostic très précis, appuyé par des études, de la situation à destination de l’Agence régionale de Santé et proposer des mesures.

A ce stade des discussions, il est vraisemblable qu’avec l’ensemble des acteurs de la santé du territoire, nous engagerons une mobilisation à destination des institutions nationales (Parlement, Ministère de la Santé, agences régionales de santé) avec à l’appui une liste de propositions d’ordre législatif (dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre système de santé) et réglementaire (décrets de numerus clausus) au niveau national, mais aussi une implication forte dans certains projets.

 


1 Une compétence volontariste est une compétence qu’une collectivité territoriale n’est pas obligée par la loi d’exercer mais qu’elle choisit d’exercer par ce qu’il s’agit d’un enjeu pour son territoire. (Les compétences du conseil départemental)

2 Conférences de territoire ; JORF n°0077 du 1 avril 2010 page 6352 texte n° 25

3 La loi Bachelot : loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires, n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Ses principales mesures sont :

- La modification de la gouvernance de l’hôpital public : l’hôpital public n’est plus piloté par un Conseil d’administration dont le directeur exécute les décisions, mais par un directeur qui préside le directoire et conduit la politique de l’hôpital. Le Conseil de surveillance se prononce sur la stratégie de l’établissement, contrôle sa gestion et peut intervenir, à titre consultatif sur diverses questions. Y siègent notamment des élus locaux.

- Création de les agence régionales de santé : ce sont des établissements publics de l’Etat à caractère administratif sont placés sous la tutelle des ministres de la santé, de l’assurance-maladie et des personnes âgées et personnes handicapées. Issues de la fusion d’institutions telles que les agences régionales d’hospitalisation, DRASS, DDASS, CRAM, etc… leur champ de compétence couvre l’ensemble des problématiques de santé, le champ médico et la gestion du risque. Auprès de chaque ARS sont constitués une Conférence régionale de la santé et de l’autonomie, et deux commissions de coordination des politiques publiques de santé, (prévention et prises charge médico-sociales). L’ARS élabore un plan stratégique régional de santé qui fixe les orientations stratégiques, les schémas régionaux dans les champs de la prévention, de l’organisation des soins et des prises en charge médico-sociales. L’ARS définit des territoires de santé dans lequel est constitué une Conférence de territoire. En Ile de France, les territoires de santé correspondent pour l’instant aux départements.
(JORF n°0167 du 22 juillet 2009 page 12184 - texte n° 1 ; La loi «Hôpital, patients, santé et territoires»)